Je tournais en rond. Ils n’avaient pas besoin de moi à l’hôpital, je n’avais pas soif puisque j’avais chassé il y avait peu de temps, la villa était aussi propre que la frotter davantage reviendrait à abîmer la peinture et Démétri s’était presque totalement remis de ses blessures. En clair, je n’avais absolument rien à faire. Et c’était horriblement agaçant. Cependant, comme si ça ne suffisait pas, je n’arrivais pas à me calmer. La Pleine Lune approchait et j’étais sur les nerfs, stressée. J’y étais habituée maintenant, et j’arrivais à calmer mon agressivité jusqu’à ne rien laisser paraître... Cependant, tourner en rond comme un lion dans une cage de m’aider pas.

Je relus pour la quatrième fois consécutive le même paragraphe de mon livre sans parvenir à me concentrer dessus. Les mots se buttaient les uns après les autres sans ordre contre ma rétine et refusaient de s’organiser dans mon esprit. De ce fait, plus aucune phrase n’avait de sens. Agacée, je refermai le bouquin d’un geste sec et le posai sur mon bureau, me retenant à grand peine de le balancer par la fenêtre. Cela ne servait à rien, j’étouffai dans cette pièce et je savais que si je ne sortais pas dans les plus brefs délais, j’allais casser des meubles, voire des murs.

Me contraignant cependant au calme, je me levai avec fluidité. L’air se froissa à peine sous mon passage et je lui en fus silencieusement reconnaissante de ne pas s’y mettre lui non plus. Dieu que j’aimais cet élément ! Mon imprégné étant sorti faire un tour, je n’avais personne à prévenir et je m’éclipsai très vite de la maison. Je partis à pleine vitesse dans les bois, ayant besoin de sentir le vent se fendre contre mon visage et de délier mes muscles tendus. Je ne savais pas où j’allais, je ne savais pas ce que j’allais y faire mais... courir sans but précis, ne penser à rien et me laisser emporter par es envies avaient quelque chose de relaxant.

J’ignore le temps que dura ma course, mais toutes les bonnes choses ont une fin et lentement, sans m’en rendre compte et sans en prendre la décision, mes pas ralentirent d’eux-mêmes. Je n’étais pas si loin que ça, je n’avais pas dû courir longtemps et je n’étais pas fatiguée, mais je me sentais déjà mieux. Cavaler dans les bois sans horizon fixe me rapprochait de mes instincts lupins et les avait calmé pendant un petit moment. Ma course ralentit progressivement, jusqu’à se transformer en marche.

Intriguée, je regardai autour de moi. Je n’étais jamais venue ici, peut être l’avais-je survolé mais je n’en avais pas de souvenirs précis. Lentement, je m’approchai du lac qui s’étendait au milieu des bois. La surface limpide n’était troublée que par quelques remous dus au vent paresseux et aux mouvements lents des poissons sous la surface. Je me laissai envahir par la quiétude de l’endroit et sans un bruit, je m’approchai du bord du lac. Mes yeux parcoururent sans les voir les environs alors que d’un bond agile, je sautai sur une pierre. Je m’assis avec lenteur sur cette dernière et laissai mes pieds pendre dans le vide. Mes sens aux aguets, je pouvais percevoir les battements cardiaques des petits animaux autour de moi, l’odeur de leur sang propulsé par leurs cœurs, les frémissements de la végétation. Cela faisait un moment que je ne m’étais pas sentie aussi apaisée.

Évidemment, c'était quand on se sentait enfin apaisé que quelqu'un venait nous déranger. Je contins avec difficulté ma frustration. En même temps, à partir du moment où l'on était calme, n'importe quoi ou n'importe qui ne pouvait que venir faire empirer notre état. Donc au fond, on n'était jamais content quand on était apaisé. J'entendis ses pas faire craquer les feuilles bien avant qu'il n'atteigne le lac. Cependant, je n'entendais pas son cœur battre et sa respiration était trop faible pour qu'elle soit vitale. Un coup de vent m'apporta son odeur et confirma bel et bien mes soupçons, j'avais de la visite vampirique. Je me retins de gémir.

Cette odeur m'était inconnue, donc ça voulait dire que j'allais avoir le droit à qui êtes-vous... Qu'est-ce que vous êtes... Pourquoi, comment, depuis quand et tout le bazar. Parce qu'évidemment, il n'allait pas me laisser tranquille, il allait venir voir c'était qui ou plutôt c'était quoi la grosse bestiole assise sur le rocher comme une bébête à observer la surface d'un lac. Parfois, je détestais mon hybridité. Ses pas se rapprochèrent et vinrent bien évidemment à mon encontre. Ce que je ressentais ? Je ne savais pas. Le calme de l'endroit et l'apaisement que j'avais ressenti me permettait de ne pas être énervée ni agacée, j'étais juste... lasse. La vie était-elle un serpent qui se mordait la queue ? J'allais finir par le croire.

Sa voix grave et calme me surprit, je dois l'avouer. Elle était belle et envoûtante, comme celle de n'importe quel vampire, mais elle me surprit tout de même. Je poussai un imperceptible soupire qui se perdit dans le vent. Une propriété privée... ? J'avais couru si loin que ça ? Allons, rebranchons les neurones. Le calme qui m'habitait avait disparu maintenant, alors je pouvais recommencer à réfléchir et à penser. Les seuls vampires ayant une résidence fixe dans les environs était les Cullen... Alors je devais être à Olympic. Donc celui qui avait troublé ma méditation devait être l'un d'eux... Voyons. Pas Carlisle, il m'aurait reconnu. J'avais déjà croisé Edward. Alors c'était soit Emmett ou Jasper... Mais Emmett ne vivait plus avec les Cullen d'après Leah. Donc ce devait être Jasper.

D'un bond agile, je sautai sur mes pieds sur la roche sur laquelle j'étais assise et me tournai pour lui faire face. Je le reconnus instantanément. C'était celui qui avait envoyé voler Démétri juste avant qu'il ne s'évanouisse... Bon, c'était normal, c'était son ennemi et au moins, ça m'avait permis de l'éloigner de la bataille... Mais quand même. Je le saluai d'un bref signe de la tête et ignorai royalement sa première question. Lui ne semblait pas me reconnaitre... En même temps, je ne l'avais vu que sous forme loup. De ma voix calme, je lui répondis, avant de sauter au bas de mon perchoir.